Vendredi 02 décembre

Vendredi 02 décembre

Raphaël et Le bon chemin

Un conte écrit et illustré par Stéphane Hamard
C’est dans le brouhaha des tiroirs entrant et sortant que Raphaël se rendit compte qu’il n’était pas
seul. Là, juste à ses côtés le fameux Maître Chritil semblait se reposer tranquillement sans même
ressentir toutes ses secousses. Le garçon oublia peu à peu l’instabilité de son environnement et
concentra toute son attention sur le petit être sans expression qui semblait lui apporter une certaine
sérénité tant il paraissait calme.
- Alors, content de toi ? ! Lança-t-il à Raphaël encore sous le coup de la surprise.
- Hein euh vous me parlez ?
- Ben non je parle au pape ! Bien sûr que c’est à toi que je m’adresse petit ignorant.
- Mais que se passe-t-il ici ? Je ne comprends pas et en plus c’est dangereux. Et pourquoi personne
n’est encore venu à mon secours ? J’ai pourtant crié assez fort !
- Oh ça oui tu as crié assez fort et je dirai même plus comme un bébé !
- Arrêtez de vous moquer, ce n’est pas drôle.
- Je suis d’accord avec toi pour une fois, je ne trouve pas très amusant que tu ne remarques pas que
je suis là. Tu as crié et je suis venu.
- Monsieur Chrotal aidez-moi à sortir de là !
- Pff je ne vais pas le répéter à chaque fois. Je m’appelle Maître Chritil un point c’est tout, répète !
- D’accord Maître Chritil.
- Encore une fois.
- Grrr Maître Chritil.
- Et j’espère que maintenant tu vas t’en souvenir.
- Qu’est ce qui se passe ici ? Que m’arrive-t-il ? Comment faire pour retourner chez moi ?
- Bon, prenons les choses les unes après les autres. Alors si je ne me trompe nous sommes dans la
cascade des calendriers de l’avent. Et je dois dire que cet endroit est effectivement quelque peu
dangereux pour celui qui ne connaît pas le bon chemin. Toi tu veux brûler les étapes alors que tout
semble dire que tu devrais plutôt faire comme tes petits camarades. Il faut savoir prendre en compte
la notion du temps qui passe. Chaque chose en son temps jeune apprenti tu vas devoir apprendre la
patience.

Raphaël resta planté devant le petit Blench sans savoir quoi répondre. D’un coup il avait
l’impression de se retrouver devant la maîtresse d’école, pouah en plus il n’aimait pas ça.
- Ouais bon ça va, je veux retourner chez moi, c’est par où ?
- Oui tu as peut-être raison, il est grand temps de repartir. Allez, saute !
Au même instant le tiroir dans lequel ils se trouvaient avança et s’ouvrit d’un coup sec. Raphaël
était encore en train d’assimiler les paroles de son compagnon d’infortune quand celui-ci le piqua
avec son corps.
- Aie ! Ça fait mal.
Mais le résultat se fit aussitôt sentir, le garçon décolla d’un coup et se mit à tomber dans le vide et
rien ne sembla pouvoir l’arrêter.

« Boum », un bruit sourd et des yeux qui s’entrouvrent. Raphaël n’en crut pas ses sens, il avait les
yeux à quelques centimètres du sol, euh du tapis de sa chambre, il sentait le drap qui l’enroulait et le
maintenait de justesse l’empêchant de choir. Éberlué et avec difficultés il se redressa et s’agenouilla
sur son lit. Là devant lui gisait le vieux livre ouvert sur une page représentant un unique dessin
pastel, une pile branlante de calendriers de l’avent. Sans rien ajouter il se glissa sous la couette et
s’endormit d’un coup.

Au matin, alors qu’il était en route pour l’école accompagné de Papy Octave, Raphaël le questionna
sur la patience.
- Papy, pourquoi il faut apprendre à être patient ?
- Drôle de question si tôt le matin. Hum comment te dire, eh bien la patience est importante dans la
vie. Tu sais, tout ne tombe pas au creux des mains dès que l’on en ressent l’envie. Il faut savoir
attendre et la plupart du temps cette attente permet d’apprécier beaucoup plus fort ces choses que
l’on voudrait. Est-ce que je réponds à ta question ?

Alors que son petit cerveau tentait d’assimiler cette leçon de vie un cri au loin l’interpella. C’était
Lucille qui arrivait derrière lui en courant.
- Raph ! Raph attend.
En quelques foulées elle rejoignit son camarade. Papy Octave resta tout sourire constatant que
soudain il semblait ne plus exister pour les enfants. Peu à peu le petit groupe s’agrandit avec les
arrivées successives de Lucien, Louise puis Martin. Bien entendu la conversation ne tournait
qu’autour d’une seule chose, les petits cadeaux obtenus en ouvrant la première case du fameux
calendrier, petit jouet, bonbon ou chocolat. Écoutant d’une oreille attentive, le grand-père attendit
patiemment que vienne le tour de son petit-fils pour voir comment il allait s’en sortir. Allait-il
inventer un petit mensonge ?
- Et toi Raph, tu as eu quoi ? Demanda Martin.
- Euh moi, je trouve intéressant comment les grands ont inventé ces calendriers pour nous apprendre
ce qu’est la patience.

Ces mots provoquèrent une certaine stupéfaction au point que personne ne sût quoi répondre. Seul
Papy Octave jubilait dans son for intérieur. Les choses semblaient donc prendre forme peu à peu.
Mais le temps passe vite quelques fois et, en moins de temps qu’il n’en faut, les enfants se
retrouvèrent devant l’entrée de l’école. 

Après une matinée consacrée aux traditionnels exercices de mathématique, l’après-midi parut plus
ludique à la classe de Madame Leroy. L’activité proposée était la rédaction d’une lettre au Père
Noël. Chacun des écoliers s’y attela avec vigueur. Lucille qui partageait le même bureau que
Raphaël resta pensive quelques minutes avant de se lancer. Lui regardait à droite, à gauche, devant,
derrière, se demandant ce qu’il allait bien pouvoir écrire. De leur côté, ses parents avaient
certainement déjà pris les devants.

- Lucille, qu’est-ce que tu écris dans ta lettre ? Demanda-t-il discrètement.
- Je suis en train de mettre que ce qui me ferait vraiment plaisir c’est que maman et papa arrêtent de
se disputer. J’espère qu’il comprendra. Et toi alors comment vas-tu faire ? Tu ne peux pas envoyer
une page blanche.
- Non mais je ne trouve pas de solution. Tu veux bien m’aider ?
- Peut-être faudrait-il que tu écrives ta version, le Père Noël comprendra j’en suis certaine. Tu ne
voulais de mal à personne et puis ma mamie disait toujours « faute avouée à demi pardonnée ».
- Oui c’est génial ton idée ! Et sans rien dire de plus Raphaël se lança dans un véritable plaidoyer.
Alors que l’activité touchait à sa fin, Madame Leroy distribua à chacun une enveloppe déjà timbrée
et demanda à ses élèves de recopier correctement l’adresse qu’elle venait d’écrire au tableau « Père
Noël, 1 rue du ciel étoilé, Pôle Nord ». Une fois toutes les lettres récupérées elle indiqua qu’elle les
posterait le jour même.

Le clan des cinq se retrouva dans la cour juste avant l’heure de la sortie. En cette veille de week-end
tous étaient surexcités à l’idée de raconter à leurs familles ce qu’ils avaient écrit dans leur lettre au
Père Noël, tous, sauf Raphaël. Lui au contraire n’avait aucune envie de dire à ses parents ce qu’il
avait écrit dans cette lettre car à coup sûr ça finirait par une nouvelle dispute et peut-être même une
punition. Ils verraient bien le moment venu. 

En attendant il faisait en sorte de ne pas trop se faire remarquer et pour cela heureusement il y avait
Papy Octave.
- Alors ça y est c’est le week-end, comment allons-nous l’occuper ? Demanda-t-il dans un élan de
joie.
La première réponse vint de Lisa qui indiqua qu’elle avait énormément à faire pour la journée du
samedi et qu’elle laisserait donc Raphaël sous la garde du grand-père.
- Bon, Raphaël nous avons une journée rien qu’à nous car ton père sera lui aussi absent. Réfléchis à
ce que tu voudrais faire.
- Yesss super ! J’ai plein d’idées Papy.
- Bien mon petit, mes plein c’est un peu trop, profite de la soirée pour te décider, répondit
tendrement le grand-père.
- D’accord Papy, vivement demain.

La fin de journée se passa tranquillement même si Pierre dut réprimander son fils à plusieurs
reprises sur sa façon de couper la parole aux adultes ou encore sur le fait qu’il ne cessait de courir
dans tous les sens en criant.
- Mais Papa je joue aux avions de guerre, ça ne se fait pas en silence, je n’y peux rien ! Pff, vous
m’accusez toujours de tout !
- Ohohoh, le pauvre petit Caliméro, pouffa Papy Octave, ce qui provoqua aussitôt une colère de
Raphaël qui alla s’enfermer dans son refuge.

Là, assis sur le tapis le dos appuyé sur le bord de son lit, il chercha autour de lui sans trop savoir
quoi, quand soudain son regard fut attiré par la couverture en cuir du vieux livre. Il l’attrapa et
commença à le feuilleter. Il ouvrit la couverture, la page avec le titre « Le bon chemin », le dessin
du petit Blench, comment s’appelait-il au fait, à oui Maître Chritil, puis la page avec la cascade de
calendriers de l’avent. Qu’allait-il découvrir maintenant ? Il resta ainsi un long moment à envisager
de multiples solutions, combien de temps, difficile de le dire, son esprit divaguait tranquillement.
Enfin il se décida à soulever le feuillet suivant. Alors qu’il le faisait délicatement, il eut la vague
impression que derrière se cachait une scène mouvementée. Loin de se décourager il finit d’ouvrir
cette nouvelle page, un geste qui le propulsa loin, très loin…

- Faites entrer l’accusé ! Une voix forte et grave venait de lancer cet ordre.
Raphaël senti une poussée dans son dos, il était comme dans un couloir sombre et on le dirigeait
vers cette voix. Il n’y comprenait rien mais fut obligé de suivre le mouvement. Juste avant d’arriver
dans la lumière il se trouva à côté de Maître Chritil qui le toisait de bas en haut.
- Hum il manque quelque chose, mais quoi ? Réfléchissons vite ! Déclara-t-il en toussotant comme
pour s’éclaircir la voix.
- Bonjour Monsieur Chritil comment ça va ?
- Dernière fois, Maître Chritil ! Et parle doucement, ce n’est pas le moment de se faire remarquer.
Raphaël ne comprenait rien à ce qui se passait, mais comme dans un jeu il se laissait faire. De son
côté le petit Blench paraissait très sérieux.
- Oui j’ai trouvé, c’est ça qu’il te faut ! Et d’un geste de sa brindille droite il pointa la tête du
garçon. Raphaël la sentit immédiatement, il passa sa main sur le haut de sa tête, on venait de lui
poser quelque chose dessus.
- Mais c’est quoi ce truc ? ! Non je ne veux pas de ça, je ne me déguise plus !
- Suffit ! Ne discute pas et garde cette coquille bien en place sur ta caboche, l’heure est grave.
Dans une dernière poussée notre jeune héros se vit projeté en pleine lumière...