Dernier envol

Dernier envol Chaque jour je m’éveille, je vis, je m’endors et souvent à toi je songe encore. J’aime à croire que tu es là, planant quelque part au-dessus de moi, virevoltant, m’observant depuis un ciel alternant mer plate ou océan d’écume, approchant à une vitesse vertigineuse, pour finir par te poser comme une plume. Là, tu te laisserais enivrer de mes subtils parfums le cœur plein d’émois. J’ose espérer que tu poses toujours ton regard envieux sur mes courbes inégales, que tu te noies au gré de mes arabesques, de ma nature sauvage, que tu imagines les milliers de secrets enfouis sereinement sous mon âge. Oui toi l’aviateur, l’aventurier au grand cœur, j’espère que tu te régales. J’imagine qu’il te reste des souvenirs de ton départ vers d’autres cieux. De ce matin d’été où sous un ciel bleu orangé tu as pris ton envol, me quittant une fois de plus pour ta maîtresse aux ébats mécaniques frivoles. Je sais que ton sens du partage est si fort qu’il ne peut y avoir d’envieux. Tant de choses t’attiraient, de ces déserts hypnotiques à ces montagnes vertigineuses, dans chaque élément, pour ne pas te laisser happer, tu voyais un animal sauvage à apprivoiser. Un même sentiment teinté d’envie et de crainte, qui jamais pourtant ne te faisait te pavoiser, lorsqu’en toute humilité tu cédais à l’appel de cette nature si vaste et si dangereuse. T’imaginais tu, en me quittant, après ton dernier essor, que tu reposerais dans cette mer qui faisait partie d’un monde qui n’était pas le tien ? Dans cette immensité de vague et d’écume où l’équilibre avec le calme se maintient, sans nul doute ton immatérialité se sera extraite dans un dernier effort. J’aime à croire que ta magnifique âme a fait une place belle à ton côté rêveur. Que tu les as enfin rejoints, tout là-haut, dans ce ciel si mystérieux, ceux à qui tu avais ouvert en toi d’innombrables et improbables lieux, de Guillaumet à Mermoz, ou du Petit Prince aux jeunes filles au renard, quelle ferveur ! Toi que la nature hantait, c’est de l’homme que tu as reçu ce dernier cadeau. Imaginais tu qu’au monde tu laisserais un vide, comme un ultime fardeau ? Moi, Corsica, j’aime à penser qu’au jour de ton dernier envol j’aurai été ton antichambre du paradis, voilà qui me console.
Auteur : Stéphane HAMARD (2024)