Jeudi 01 décembre

Jeudi 01 décembre

Raphaël et Le bon chemin

Un conte écrit et illustré par Stéphane Hamard
À peine le petit être était-il apparu que mille questions semblaient vouloir sortir en même temps de
la bouche de Raphaël.
- C’est quoi un « Blench » ? D’où viens-tu ? Que fais-tu ici ? Comment es-tu arrivé ? …
- Doucement mon petit gars, je ne suis pas une machine !
- Oui mais moi je veux savoir. Réponds à mes questions sinon…
- Sinon quoi petit avorton ? Te crois-tu assez fort pour me faire du mal ? Il va falloir te lever tôt.
- Arrête de te moquer de moi, je n’aime pas ça !
- Je vois ça, tu es très susceptible. Je pense que nous allons avoir du travail pour te mettre sur « le
bon chemin ».

Ces derniers mots firent écho dans l’esprit du garçon, « Le bon chemin », n’était-ce pas le titre du
livre qu’il venait d’ouvrir. Alors même qu’il réfléchissait en silence à cette étrange coïncidence,
Maître Chritil sembla prendre les devants comme si d’une façon tout aussi étrange il entendait ses
pensées.
- Oui mon petit, c’est bien le titre de ce merveilleux ouvrage. Une œuvre très ancienne, si vieille
que je ne saurai dire de quand elle date, une bien belle aventure soit dit en passant. Je pense que cela
te plaira.
- Mais comment connaissez-vous ce… Raph eu soudain un flash, mais oui c’était ça ! « Monsieur
Cristal est-ce que vous sortez de ce livre ? »
- Non Maître Chritil s’il te plaît. Et oui je vis à l’occasion au travers de ce livre.

Un silence s’installa alors dans la pièce, l’enfant et le petit Blench se regardèrent fixement. Bien
entendu ce fut l’enfant qui rompit ce duel des regards, il voulait en savoir plus.
- Euh vous ne m’avez toujours pas dit ce que vous êtes ?
- Bien sûr que si, mais tu n’écoutes pas. Je suis un « Blench », je suis issu de la magie de mère
nature.

Raphaël pris quelques secondes avant de poursuivre.
- Et pourquoi est-ce que vous êtes apparu là, dans ma chambre, sur mon lit ?
- Encore une question dont tu détiens la réponse, c’est toi qui m’as fait venir.
- Impossible, je ne vous connaissais même pas !
- Non peut-être mais nous ne sommes que tous les deux et donc j’en déduis que c’est toi qui as
ouvert le livre. Et violemment en plus !
- Ben oui, Papy Octave m’a demandé d’en lire un chapitre chaque soir, mais les feuilles sont toutes
collées.
- Ne t’inquiète pas pour ça, il s’ouvrira peu à peu à toi, tu dois apprendre à prendre le temps. Puis
après un bref silence Maître Chritil pointa son bras brindille droit en direction de Raph qui ne
bougeait pas d’un poil. « Alors voilà mon nouveau sujet, ça ne va pas être de la tarte. »
- Ça veut dire quoi ça encore ?
- Ça veut dire que tu vas devoir faire ce que ton grand-père t’a demandé, et le faire sérieusement.
Pour ma part je serai là pour t’aider à cheminer.
- À quoi ? !
- Pohhh ! À trouver ton chemin, nigaud. Mais bon, pour une première fois je pense que cela fait déjà
beaucoup, alors je pense que je vais retourner me reposer.
- Ah ouais et où allez-vous faire votre sieste ?
- Là, tout simplement, répondit le petit être en pointant le livre encore ouvert.
- Comment vous faites pour entrer et sortir du livre comme ça ?
- Bien trop de questions, il faut que ton cerveau se repose sinon il va exploser « Boum » hihihi…

À peine ces mots prononcés qu’un petit nuage de fumé s’élevait dans la pièce enveloppant le livre
posé sur la couette. Raphaël secoua la main mais quand enfin il aperçut le livre, il retrouva la page
avec ce dessin pastel représentant les éléments d’une châtaigne et de son enveloppe. Il avait encore
les yeux qui piquaient et se mit à les frotter. Il souleva le livre et l’inspecta sous toutes les coutures,
mais bien que très attentif il ne trouva rien qui puisse ressembler à ce qu’il venait de voir.

Stupéfait, il resta assis sur son lit, le regard dans le vide. Que c’était-il passé ? Avait-il vu ce qu’il
pensait avoir vu ou s’était-il endormi et avait-il rêvé ? En fait il n’en savait rien. Voyant qu’il ne
pourrait rien tirer de plus de ce maudit livre il le posa sur le sol à côté du lit et s’engouffra sous sa
couette.

Au petit matin ce fut Papy Octave qui vint le réveiller, et tout en douceur, ça changeait du réveil
tonitruant de sa mère. Ensemble ils se rendirent dans la cuisine pour prendre le petit-déjeuner.
- Papy, il faut que je te pose une question, souffleta Raph à l’oreille du grand-père.
- Oui mon ange, vas-y, je t’écoute.
- Est-ce que ça te dit quelque chose un « Blench » ?
L’homme regarda l’enfant avec un regard étonné laissant sous-entendre qu’il ne comprenait pas la
question.
- De quoi me parles-tu ? Un quoi ? Un Blench, mais je ne sais pas ce que cela peut être, je ne
connais même pas ce mot à vrai dire.
- Bah ce n’est pas grave… Raphaël ne voulait pas passer pour un fou, vu la situation actuelle ce
serait certainement un aller direct chez le médecin de la tête.

Plus tard, dans la cour d’école il retrouva ses amis, qui, il faut le dire, ne lui tenaient absolument
plus rigueur de l’épisode d’Halloween. Les enfants étaient surexcités, ils savaient d’expérience
qu’aujourd’hui allait être le début du compte à rebours.
- J’ai hâte de rentrer chez moi, lança Louise avec un petit sourire au coin des lèvres.
- Allez, vas-y, dis-nous tout, répondit Martin qui connaissait trop bien les mimiques de son amie.
- J’espère que j’aurai le calendrier que j’ai commandé, il est trop beau et doit être rempli de
chocolats.
Raphaël se leva d’un coup en pouffant.
- Ah c’est de ça que tu voulais parler. Je ne vois pas ce qu’il y a de fabuleux là-dedans, si je veux du
chocolat, ben je vais dans le placard et je prends une tablette.
Cette réflexion censée blesser Louise provoqua une hilarité dans le groupe et Lucien en profita pour
ajouter :
- Ahah oui c’est vrai que Raph ne croit en rien ! Il s’en fiche de compter les jours avant Noël. Tu es
fou toi d’inventer des choses comme ça juste pour mettre tes parents en rogne.
Avant même que l’échange ne tourne au vinaigre Lucille intervint en douceur et avec intelligence.
- Vous savez qu’il ne reste qu’un peu plus de quinze jours avant les vacances, vous ferez quoi
vous ?
Louise, Lucien et Martin répondirent la même chose, comme tous les ans ils allaient passer les fêtes
de fin d’année chez leurs grands-parents.
- Moi je reste là, je ne sais pas ce qui se passe mais mes parents n’arrêtent pas de se disputer,
j’espère que ce n’est pas grave. Et toi Raph, qu’est-ce que tu feras ?
- Moi aussi je reste, Papy Octave est arrivé hier et il va rester chez nous jusqu’aux fêtes.

Le tintement de la cloche annonçant le lancement d’une journée ordinaire mit fin à la conversation.

En fin d’après-midi, Raphaël n’avait plus qu’une chose en tête ; quel serait le calendrier de l’avent
cette année. C’est donc tout heureux qu’il retrouva Papy Octave et sa mère.
- Maman, oui je connais ta question et tout s’est bien passé à l’école. Mais vite rentrons je veux voir
mon calendrier.
- Ah mais mon bonhomme, l’avent n’existe que pour ceux qui croient en Noël donc rien ne t’attend
à la maison. La réponse de Lisa avait fusé telle une flèche avec pour but de piquer l’orgueil de son
fils. Celui-ci se mit aussitôt à bouder. Même Papy Octave ne réussit pas à lui arracher le moindre
sourire. Les adultes n’avaient alors aucune idée de ce qui se passait dans la tête du garçon. Lui
n’arrêtait pas de peser la situation et d’envisager toutes les solutions possibles. Mais non, hors de
question de céder, c’est lui qui avait raison et la punition était injuste.

Après le dîner Raphaël ne se fit pas prier pour rejoindre sa chambre. Là il se mit à tourner en rond
se demandant s’il faisait bien de tenir tête à ses parents. Et, plus il se posait la question, plus la
réponse lui paraissait évidente, « oui ! » Alors qu’il était sur le point de se coucher il se rappela la
promesse faite à son grand-père et attrapa le livre. À son contact il se sentit apaisé et ouvrit la
couverture, la page avec le titre puis celle du dessin pastel. Là, il marqua un temps d’arrêt, le petit
être allait-il apparaître ? Les secondes passèrent sans que rien ne se produise. Alors par dépit
Raphaël tourna la page suivante, et là…

Devant ses yeux médusés un dessin représentant une pile de boîtes fines se mit à tourner et tourner
de plus en plus vite. Raphaël en perdit l’équilibre et commença à chuter. Rien ne pouvait l’arrêter, il
tombait en tournant sur lui-même de plus en plus rapidement. Dans une fraction de lucidité il eut
l’impression que le livre était en train de l’avaler.
- Au secours ! Cria-t-il avant de ne plus savoir où il était. Puis le noir, un noir complet, profond,
l’enveloppait et des bruits résonnaient, comme des portes qui claquaient. Il n’avait aucune idée de
ce qui était en train de se passer et tentait de comprendre quand tout à coup il fut secoué. Le sol sur
lequel il était assis s’avança, laissa apparaître de la lumière puis reprit sa position initiale. L’action
se répéta et il ne fallut pas longtemps pour que le garçon comprenne que sa porte de sortie était là
dans cette brève ouverture. Alors prenant son courage à deux mains il se leva et avança à tâtons
pour se positionner le plus en avant possible de cette sombre prison. Tout autour de lui, les
claquements se succédaient à un rythme régulier. Quand vint son tour il se hissa le plus vite possible
et enjamba le rebord qui n’était pas bien haut. À peine à l’extérieur il se sentit une nouvelle fois
tomber, mais cette fois dans une lumière éclatante et « vlan ! ». Il se retrouva dans une nouvelle
prison aussi noire que la précédente. À l’aide de ses mains il comprit alors qu’il était comme dans
une case dans laquelle il pouvait toucher les bords en écartant simplement les bras.
- Non mais ça suffit maintenant ! Je veux que ça s’arrête !
Il eut beau crier plusieurs fois, rien ne changea et les claquements se poursuivirent. Loin de
s’avouer vaincu il décida de refaire une sortie, mais cette fois il avait décidé de ne pas lâcher prise.
Une fois à l’extérieur, les mains bien agrippées au rebord, il eut le temps de voir que ce n’était pas
des portes qui claquaient mais des tiroirs et celui du dessous venait juste de s’ouvrir.
- Ah non ! Hors de question de me faire avaler par celui-là ! Il serra encore plus fort ses deux mains
mais voyant qu’elles allaient être coincées il se jeta dans le vide en s’écartant du bord…
Résultat, il vit tous ces tiroirs qui allaient et venaient, s’ouvrant et se fermant à tour de rôle. Ils
appartenaient à des boîtes différentes et cela lui rappelait quelque chose, mais quoi ? !
« Boum ! » ne pouvant contrôler sa chute il venait de s’affaler dans une nouvelle case. Il écarta les
bras et se rendit compte qu’elle est plus grande, il n’arrivait pas à en atteindre les parois.
- Grrr j’en ai assez, ça suffit ! Je vais me mettre en colère. Et c’est quoi cette fumée encore ? !
- Bien le bonjour petit homme, te voici donc de retour.
- Quoi ? ! Vous ? Encore !