Samedi 24 décembre

Samedi 24 décembre

Raphaël et Le bon chemin

C’est avec une certaine boule au ventre que Raphaël se rendit dans sa chambre le soir du
23 décembre. Il venait de prendre conscience que ce serait peut-être sa dernière rencontre avec
Maître Chritil et ça, il n’aimait pas du tout. Mais une promesse est une promesse et il fallait qu’il
ouvre le vieux livre encore une fois. Assis au bord de son lit, il respira fortement pour prendre un
peu de courage et tourna les pages jusqu’à l’avant-dernière. Au centre comme un fragment de vieille
photographie jaunie d’un autre temps se composait une scène de Noël, une famille entourant un joli
sapin décoré et en y regardant de plus près un très beau livre à son pied.

- Bonsoir Raphaël, quel chemin parcouru en quelques jours, n’est ce pas ?
Une bouffée de bonheur venait de frapper l’enfant qui tourna la tête vers la maison du Blench. Oui
il était là dans son fauteuil.
- Bonsoir Maître Chritil, je suis heureux de vous voir mais également triste car je sais que c’est
bientôt la fin.
- Ah, non ! Dégage-moi toute cette mélancolie. Demain est un jour spécial, un jour de réunion et de
bonheur. Et ce jour tu l’as bien mérité !
- Oui je sais mais c’est l’après qui me rend triste. Papy Octave m’a bien prévenu que le livre ne
fonctionnait qu’avec la magie et celle de Noël sera partie. Je ne vous reverrai vraiment plus ?

La voix de Raphaël reflétait toute son angoisse de perdre son nouvel ami.
- Notre amitié restera à jamais, tu ne dois avoir aucun doute. Et oui, après Noël je vais aller me
reposer. Ma mission était de te guider vers le bon chemin et tu l’as trouvé.
- Mais je ne veux pas que ça s’arrête ! S’écria le garçon.
- Mon petit, il ne tient qu’à toi de croire en la magie quelle qu’elle soit mais en tout état de cause je
ne pourrai apparaître qu’en des périodes précises et pleines de cette magie. Et surtout, promets-moi
de bien t’amuser et de profiter de la journée qui s’annonce. Je crois avoir compris que tu ne seras
pas seul.
- Oui c’est vrai, demain Lucille sera là. Ça va être super ! Mais est ce que je peux lui montrer le
livre ? Raphaël se demandait soudain si une telle action n’avait pas un risque.
- Bien sûr que tu peux lui montrer, mais elle n’y verra peut-être pas les mêmes choses que toi…
- Hein ? Comment ? Des fois je ne vous comprends pas beaucoup.

Le petit Blench se leva d’un petit bond et atterrit avec grâce sur le tapis de mousse.
- Mon enfant, garde certains secrets pour toi. Nul besoin de parler de nos rencontres, c’est le prix de
la magie.
- Bon d’accord, je sais maintenant qu’il est bon de vous écouter.
- Une sage décision je l’avoue. Mais il y a un point que nous n’avons encore abordé.
- Ah oui, duquel s’agit-il ? Demanda, avec intérêt, Raphaël.
- Tu as trouvé le bon chemin qui t’a conduit à retrouver la magie de Noël ou du moins à reconnaître
que tu ne l’ignorais pas. Mais j’aimerais savoir ce que tu penses de la prochaine visite du Père Noël.
Un silence s’installa dans la chambre, le garçon restait pensif, les yeux dans le vide. Soudain sans
prévenir il se redressa, s’approcha de la petite maison en carton et s’adressa tout bas à Maître
Chritil.
- Je crois que je vais essayer de le surprendre, je voudrais  le rencontrer.
- Hum, en voilà une drôle d’idée ! Je te souhaite bien du courage…
- Oh mais j’en ai plein de courage !
- Alors sois courageux et referme ce livre sans crainte. Demain passe une excellente journée et
amuse toi. Bon vent mon petit ami, et surtout ne quitte pas « Le bon chemin ».

La lumière s’éteignit sans prévenir une fraction de seconde, mais suffisamment pour qu’à son retour
tout soit redevenu normal. Le livre sur ses genoux Raphaël fixait le fauteuil en carton dans lequel
restait le petit pantin qu’il avait créé. Bien entendu, il était un peu triste mais déjà son esprit
travaillait à autre chose. Il fallait qu’il se repose car la nuit suivante ne lui laisserait aucun répit. Un
plan commençait à se mettre en place. Il s’endormit et ne reprit conscience qu’en milieu de matinée
alors que sa mère commençait à faire du bruit avec les casseroles, passage obligé pour préparer un
bon réveillon.

Après un rapide petit-déjeuner et une toilette de chat, il quitta la maison pour rejoindre Lucille. La
joie était de mise, et avec la neige au rendez-vous ils ne pouvaient qu’en profiter. Ils commencèrent
par une bataille de boules de neige, puis se mirent à faire un bonhomme blanc juste devant la
maison de Raphaël. C’était pour eux une façon d’attirer le Père Noël, d’être certains qu’il ne raterait
pas la maison. C’est à ce moment qu’il décida d’exposer son plan, ils discutèrent pendant de
longues minutes, jusqu’à ce que Papy Octave les interpelle.
- Ohé les enfants que manigancez-vous ? Vite rentrez, il commence à faire froid.

Ils s’installèrent ensuite dans le grand salon, devant le sapin. Ils commentèrent les décorations, là un
petit ours polaire avec des ailes voletant dans une bulle transparente, un peu plus loin un joli bâton
de sucre d’orge rouge et blanc, mais ce qui monopolisa le plus longtemps leur attention fut ce
merveilleux petit avion biplan rouge et or. En un instant, ils étaient partis en exploration dans le
monde à son bord, ils voyageaient survolant la terre, l’avion les menait en direction du Nord vers le
pays du Père Noël. Et justement un peu plus haut, sur une belle branche était attaché un bonhomme
tout de rouge vêtu avec une longue barbe blanche qui volait à bord… D’une Vespa étoilée !

Ils s’amusèrent comme des petits fous. Le bonheur planait dans la maison et ça ne fit que se
confirmer au fur et à mesure de la soirée. Leurs parents et Papy Octave avaient tous de jolis sourires
éclairant leurs visages. Cette ambiance rappela à Raphaël le dernier dessin qu’il avait vu dans le
vieux livre la veille au soir et une idée lui vint. Il attrapa Lucille par le bras et l’entraîna dans sa
chambre. Là il lui montra la petite maison du Blench qui l’émerveilla.
- Raph c’est super beau ce que tu as construit, on dirait presque une vraie maison. Et ce petit
personnage il est trop mignon.
- Il s’appelle Maître Chritil.
- Pourquoi tu l’as appelé comme ça ?
- Ce serait un peu trop long à t’expliquer. Mais viens m’aider, nous allons prendre le livre et la
grosse couette, nous nous installerons devant le sapin, c’est le meilleur moyen de ne pas rater le
passage du père Noël.
- Ouais, c’est une super idée ! S’exclama la petite fille.

Et, après avoir arraché avec fougue l’autorisation de Lisa, Noël est le jour où tout est possible, ils
s’installèrent.
Ils passaient un noël merveilleux, un rêve éveillé tous ensemble dans le grand salon à profiter du
décor et des volutes parfumées des plats qui se succédaient à table.

Tard dans la soirée, les deux enfants étaient allongés à plat ventre sur la couette la tête reposant sur
leurs mains avec, devant eux, le livre de Raphaël.
Papy Octave les observa puis s’approcha doucement.
- Ça va les enfants, pas trop fatigués ? Demanda-t-il.
- Tout va bien Papy, nous avons décidé de veiller et de surprendre le père Noël quand il viendra
déposer les cadeaux.
- Oui c’est vrai, ajouta Lucille des étoiles dans les yeux, nous avons tout prévu, nous avons des
chocolats, du lait et nous avons le gros livre pour nous occuper en attendant.

Personne ne les dissuada dans leur entreprise et la nuit s’avança. Les adultes étaient toujours à table,
ils passaient eux aussi un très bon moment à entendre les rires qui fusaient dans tous les sens.
Après avoir bien réfléchi, Raphaël attrapa le vieux livre et l’ouvrit, il tourna rapidement toutes les
pages sans même laisser le temps à Lucille de regarder les dessins qui se succédaient. Enfin il arriva
à la fin, là une dernière page restait à tourner. Il retint son souffle, ils étaient collés l’un à l’autre
comme si plus rien au monde n’existait.
Ensemble ils découvrirent le dernier croquis :
Un conte écrit et illustré par Stéphane Hamard
Point de Maître Chritil, de lutin, de nain, Mister Houx, devant leurs petits yeux plissés aux
paupières tombantes une grosse botte en cuir noir brillant franchissait le seuil d’une porte !
Quand bien plus tard ils rouvrirent les yeux, tout un tas de cadeaux s’étalait devant eux !
C’est ça la magie de Noël… 

Oh, oh, oh oh ! 

– Fin –