Vendredi 23 décembre

Vendredi 23 décembre

Raphaël et Le bon chemin

Un conte écrit et illustré par Stéphane Hamard
Deux pieds et deux jambes gigotant et un postérieur, voilà ce qui émergeait de ce qui semblait être un
tas de neige. Avec une empathie nouvelle, Raphaël n’eut aussitôt qu’une idée en tête, porter secours
à cette personne. Il se retrouva immédiatement lui aussi dans cette neige et tira sur les pieds pour
faire sortir le reste du corps.

« Splounk ! » voilà c’était fait. En tirant avec toute sa force, il venait d’extraire un petit corps bien
étrange. Dans l’élan, il l’avait accompagné dans un terrible roulé-boulé pour ne s’arrêter que contre
une sorte de monticule. Le temps qu’il se relève et enlève la neige qui lui collait de partout, il
entendit une sorte de bougonnement.
- Onghreneme, il me manquait plus que ça ! La voix était rocailleuse et difficile à comprendre.

Aux pieds de Raphaël, un petit bonhomme se trémoussait en rouspétant. Il portait un bonnet rouge
bien pointu, une veste d’un vert foncé surmontée d’une grosse ceinture marron, un pantalon beige et
des chaussures vertes aussi pointues que le couvre-chef. Son visage était indéchiffrable avec cette
énorme barbe blanche qui le recouvrait. Et cependant, le garçon perçut distinctement le regard
perçant qui tentait de le traverser.
- Bonsoir Monsieur le lutin, est-ce que je peux vous aider ? Raphaël avait une voix joyeuse portée
par son état d’esprit du moment.
- Quoi ! Tu m’insultes ? ! S’écria la petite silhouette.
- Bien sûr que non, je souhaite vous apporter mon aide c’est tout.
- Alors pourquoi me traites tu de lutin, je ne suis pas un de ces planqués, je suis un nain !
- Oh pardonnez moi Monsieur le Nain.
- Et que peux-tu faire de pire maintenant ?

Le garçon resta bouche bée, ne venait il pas de sauver la vie de ce nain ? Il n’allait pas en rester là,
il voulait comprendre.
- Mais je vous ai aidé, je vous ai sorti la tête de la neige.
- Oui, pour me faire dévaler cette pente que je venais de gravir, c’est une drôle d’aide !
- Oui mais sans moi vous seriez encore le nez au froid, répondit du tac au tac le garçon. Et puis ne
vous inquiétez pas nous allons remonter ensemble.
Mais déjà le nain commençait à gravir la colline de neige. Voyant que Raphaël n’avait pas bougé, il
s’écria :
- Oh, tu viens ou pas ? ! Je n’ai pas que ça à faire, j’ai une mission importante à accomplir.
- Euh pardon, oui j’arrive !

Un peu plus tard, c’est essoufflé que Raphaël arriva au point de leur premier contact.
- Nous y voilà, alors que faisiez vous ici pour vous retrouver dans cette situation ?
- Bah ça me paraît évident ! Je cherche une bûche. C’est bientôt Noël et tout le monde m’en
demande. Vivement que ce soit passé, que je retourne à mes galeries souterraines.
Les mains sur le ventre, le garçon riait en se léchant les lèvres.
- Oh oui une bonne bûche de Noël couverte de chocolat, comme c’est bon ça !
- Ignorant, le bois ne se mange pas même recouvert de chocolat ! Une réplique que le nain venait de
scander d’une voix forte. C’est du bois que je cherche, les gens veulent se chauffer, tu n’as pas vu
qu’ici c’est l’hiver et que la neige recouvre tout. Alors trêve de papotage, aide-moi !
- Mais que dois-je faire ? Raphaël était là debout, les bras ballant.
- Onghreneme, on ne va pas s’en sortir ! Mets toi à quatre pattes et creuse, le bois est recouvert de
neige, et pas de chocolat ! Vite, vite le temps presse !

Ils creusèrent, creusèrent au point que Raphaël avait l’impression qu’il allait ressortir de l’autre côté
de la terre, puis le nain se releva et d’un geste magistral sorti une petite bûche de chêne longue d’à
peine plus de quarante centimètres.
- C’est bon, on va pouvoir passer au tas suivant, grogna t-il.
- Quoi ! Tout ça, juste pour une si petite bûche ? Mais je croyais que nous allions en sortir un tas.
- Bienvenue dans mon monde ! Tout se mérite même une simple bûche.
- Moi je croyais que vous les nains vous coupiez les arbres avec de longues scies et que c’est
pourquoi sur les desserts il y en a toujours une.
- Quoi ? Vous posez une scie sur vos desserts ? Mais ils sont fous ! Le nain pensif ne vit pas
Raphaël lui passer devant et quand il s’en rendit compte il était trop tard. Non, ne fais pas ça ! J’ai
encore besoin de toi !

Mais le pas de trop était fait et le garçon eut l’impression de dévaler une piste noire sans skis. Il filait
aussi vite que l’éclair vers une destination inconnue !

- Aie ! Un cri bref qu’il ne put s’empêcher de crier en touchant le sol. Sous ses mains, il sentait les
fibres du tapis de sa chambre. Il ouvrit les yeux et éclata de rire en pensant « Ouf, heureusement, je
ne me voyais pas creuser autant pour si peu, désolé Monsieur le nain. »

Après une bonne nuit de sommeil aucune douleur ne vint ternir cette avant-dernière journée avant le
réveillon de Noël. Raphaël était prêt à affronter n’importe quel problème. Il tenait une forme
olympique. Lisa se fit un plaisir de mettre à l’épreuve ce regain de vitalité. C’est ainsi qu’elle lui
demanda de préparer l’ensemble des ingrédients nécessaire à la préparation de la bûche de Noël.
C’est ainsi qu’il dut apporter sur la grande table de la cuisine des œufs, du sucre, de la farine, de la
levure, de la maïzena, du lait, du beurre, de la vanille et du chocolat. Des ingrédients qu’elle relevait
de la recette de mamy Milena inscrite sur une vieille feuille de papier jauni. On pouvait y lire :

« Préchauffer le four sur le thermostat à 200 °C et beurrer le moule. Casser les œufs en séparant les jaunes et les blancs. 
Battre les jaunes avec le sucre jusqu’à ce que ce soit mousseux. Battre les blancs en neige. Mélanger la moitié des blancs aux jaunes, ajouter la farine, la levure, puis incorporez délicatement le reste des blancs en neige. Versez la pâte dans le moule et enfourner pour 20 minutes environ.
Mélanger un œuf et le sucre, puis ajouter la maïzena. Lorsque le lait bout, en verser la moitié dans le mélange précédent puis réintroduire dans le lait restant et refaire bouillir afin d’obtenir une crème pâtissière sans cesser de remuer. Ajouter la moitié du beurre et laisser refroidir. Une fois la crème froide, ajouter le reste du beurre et la vanille tout en fouettant pour obtenir une crème mousseline. Travailler au batteur électrique les 2 jaunes, ajouter le sucre glace, puis le beurre ramolli et 
enfin le chocolat fondu.
Une fois que le Biscuit de Savoie est cuit, démouler avec précaution à l’envers sur un linge humide et laisser refroidir.
Tartiner de la garniture vanille et rouler le tout dans la longueur et égaliser les extrémités. Recouvrir la bûche de la crème au beurre chocolatée et imiter l’écorce avec une fourchette, toujours dans la longueur. Ensuite Décorer. »

Alors que Lisa mettait tout son cœur dans la préparation, Raphaël s’approcha et lui glissa à
l’oreille :
- Maman, une bûche de noël ça doit être blanc à l’extérieur, elle se trouve dans la neige.
La mère de famille sourit et eu alors une idée pour modifier très légèrement la recette.
- D’accord, va me chercher le mascarpone dans le frigo et le sachet d’éclat de chocolat. Elle prit son
stylo et ajouta au bas de la feuille :

« Sur une idée de Raphaël : à la place de la crème au beurre chocolatée préparer une crème chantilly stracciatella avec 125 grammes de mascarpone, 25 cl de crème liquide, 65 grammes de sucre et des copeaux de chocolat, ensuite décorer la bûche. »

À peine une heure s’était passée quand le fameux dessert de Noël finalisé fut mis au frais. Personne
n’avait pu le goûter, il faudrait attendre le lendemain soir.

Papy Octave qui regardait cela avec un regard qui exprimait tout l’amour qu’il portait à la cuisinière
et à son commis décida d’interpeller Raphaël.
- Raph, viens par ici. Je vais te donner quelques explications sur la bûche de Noël.
Raphaël ne se fit pas prier et se retrouva rapidement assis aux côtés de Papy Octave.
- Alors voilà ; glacée ou à la crème pâtissière, la bûche de Noël est le dessert qui couronne les repas
de fête. Mais pendant des siècles c’est une autre bûche qui était au cœur des festivités de Noël.
- Oui Papy, je sais, c’était une vraie bûche de bois pour réchauffer les maisons.
- C’est tout à fait ça, une grande bûche de chêne ou d’arbre fruitier, la plus grosse que le père de
famille pouvait trouver. Elle était allumée dans la cheminée familiale, où elle devait se consumer le
plus longtemps possible, jusqu’au nouvel an dans le meilleur des cas. Sa longévité devait augurer de
l’abondance et la qualité des récoltes. Une fois consumée, les cendres étaient, selon les régions,
conservées ou dispersées autour de la maison afin de la préserver de la foudre. Ces cendres étaient
aussi réputées pour avoir des vertus médicinales ou protéger contre les morsures de serpents.
- Pooh, tu en connais des choses Papy, mais tu t’es trompé sur un point.
- Ah bon, lequel ? Demanda le grand-père.
- C’est simple, ce n’est pas le père de famille qui allait chercher la bûche mais c’est le nain qui
l’apportait après avoir passé un temps fou à les ramasser. Et c’est pour ça qu’on met un nain pour la
décorer, c’est en mémoire du travail des nains.
- Oh, je vois que tu as rencontré Monsieur le Nain ! Comme deux complices, ils éclatèrent de rire
après cette réflexion de Papy Octave.
- Oui mais heureusement j’ai trébuché et je me suis retrouvé par terre… Sur mon tapis, ajouta
Raphaël avec un gros clin d’œil.

Mais déjà papy Octave reprenait un air sérieux. Il regarda le garçon et se décida à lui parler de ce
qui allait se passer.
- Raphaël, tu sais, c’est bientôt la fin de l’avent. Demain soir, nous serons de réveillon et le
lendemain sera le jour de Noël. La magie se mettra alors en retrait car elle ne peut être présente à
tout moment. Il lui faut des périodes chargées d’espoir pour subsister. Je pense qu’il va falloir que
tu te prépares à dire au revoir à Maître Chritil.

Raphaël resta muet, il n’avait jamais envisagé une telle chose ! Et le soir venu c’est avec une
certaine fébrilité qu’il ouvrit le livre. Il comprenait les mots de son grand-père, il ne restait plus que
deux feuillets...