Lundi 19 décembre
Raphaël et Le bon chemin

Le soir venu Raphaël vérifia qu’il avait tout ce qu’il lui fallait. Il ne voulait pas rater cette nouvelle occasion. Il avait un petit sac avec un carnet, des crayons de couleurs. S’il devait retourner au village de Noël il fallait qu’il en fasse des croquis pour les montrer à Lucille. Pour être certain de réussir il reprit exactement la même position que les deux soirs précédents et ouvrit le vieux livre. Il était prêt. Quand il passa à la page suivante, elle résista un peu avant de céder d’un coup découvrant une espèce de petit chapeau pointu avec un grelot. Mais il était déjà trop tard pour y réfléchir ou tout simplement réagir. Le mur derrière lui venait de disparaître mais au lieu de tomber à la renverse il sentit qu’il avançait à reculons. Une porte venait de s’ouvrir, il reconnut immédiatement le lieu, c’était la taverne de Madame Margrit. - Ça pour une surprise c’est une surprise, mais tant mieux, pensa Raphaël en balayant la salle d’un regard. Il fallait qu’il trouve rapidement Maître Chritil et qu’il lui dise pour le lait de poule, mais, dans cette foule, impossible de l’apercevoir. Alors il se dirigea avec difficulté jusqu’au vieux comptoir au bois usé par les passages et interpella la vieille dame. - Bien le bonsoir Madame Margrit, comment allez-vous ce soir ? - Eh, mais le petit Raphaël ! Alors ce lait de poule, tu l’as réussi ? - Haut la main et c’était délicieux, enfin pas tout à fait aussi bon que le vôtre bien sûr. Et, vous savez que les grands mettent de l’alcool dedans, c’est comme ça que l’aime mon père. - Bien entendu que je le sais mais ça, ce sera pour plus tard pour toi, tu es trop jeune. Mais que faistu là ? Répondant à l’interrogation de la tenancière de la taverne il répondit du tac au tac : - Je cherche Maître Chritil mais il y a tellement de monde chez vous que c’est difficile. Vous ne pourriez pas demander à tous ces nains de bien vouloir arrêter de bouger. Qu’avait-il fait ou dit d’étrange, il n’en savait rien, mais d’un même élan tous les êtres présents s’arrêtèrent net et le regardèrent avec des regards perçant. Raphaël ressenti alors un mal-être en étant l’attention de tous. - Nain ? ! Mais pourquoi pas lilliputien ? Qui es-tu avorton pour nous traiter ainsi. Les questions cinglantes venaient d’un des petits êtres habillé d’une tunique vert sur un pantalon rayé blanc et rouge avec sur la tête un chapeau pointu vert aux rebords en fourrure blanche et avec à sa pointe un petit grelot. - Euh bonsoir, je m’appelle Raphaël et je ne voulais pas vous froisser. - Nous ne sommes ni des nains ni n’importe quoi d’autre, nous sommes les lutins du père Noël ! Les paroles du lutin furent couvertes d’applaudissements suivis par une rythmique de tasses sur les tables et alors d’une même voix ils entamèrent un chant : « Avez-vous aperçu un pompon ? Entendu des petits rires farceurs ? Ils sont là tout près de vous… Errant dans les bois et forêt, dormant dans la mousse des arbres… Parfois même ils se cachent chez vous… Ils ont fini et peuvent enfin se reposer les coquins La fabrication des jouets de Noël est terminée Qui sont-ils ? Mais les lutins du Père Noël quelle question ! » - Vous êtes vraiment les lutins de Noël ? S’extasia Raphaël - Parce que ça ne se voit pas ? ! Bougre d’ignorant ! - Mais que faites-vous là ? Vous ne devriez pas être en train de tout préparer ? - Noël est une grande entreprise et nous y travaillons toute l’année à la fabrication de milliards de jouets et autres cadeaux alors oui, quand nous avons fini, nous avons enfin le droit de nous promener et de nous amuser comme bon nous semble. Raphaël venait d’avoir un flash révélateur. Avec son attitude butée il avait poussé ses parents à informer le Père Noël qu’il ne croyait pas à la magie de Noël et aucune demande de cadeau n’avait encore été envoyée, mais si l’usine était fermée ça voulait dire qu’il n’aurait rien. - Et moi alors, je ne vais pas avoir de Noël ? C’est méchant ! - Raphaël si nos renseignements sont bons tu dois des comptes au tribunal de Noël, nous ne pouvons rien pour toi. Mais sache aussi que les lutins sont coquins et malins mais jamais méchants. Et dans ton malheur dis-toi que tu as la chance de nous voir car généralement en présence de tout humain nous nous figeons telles des poupées de chiffon, poupées chiffon… Des mots qui se répétèrent en écho jusqu’à se perdre, jusqu’à perdre Raphaël. Quand enfin il reprit conscience, il ouvrit les yeux et eu du mal à comprendre ce qu’il voyait. Là, à ses pieds, sur ses jambes, partout sur son lit étaient étalés des morceaux de tissus multicolores. Et dans le coin opposé au lit Papy Octave assis dans un fauteuil en bois qui dessinait sur un petit carnet. - Mais papy, qu’est-ce que tu fais dans ma chambre ? Et quelle heure est-il ? - Mon garçon tu en écrases du sommeil en ce moment, il n’est pas loin de midi. Comme tu dormais si bien nous n’avons pas eu le cœur à te réveiller. Et puis les vacances sont aussi faites pour ça. Raphaël venait de se redresser dans son lit et continuait de scruter son grand-père. - Je peux savoir ce que tu écris dans mon carnet ? - Oh je n’écris rien, je dessine, ou plutôt je termine ton dessin. - Mon dessin ? Là il était de plus en plus intrigué. - Oui, c’est une très bonne idée, aujourd’hui il ne fait pas beau donc nous resterons à la maison. Mais pour nous occuper, nous allons mettre en pratique ton excellente idée. - Mon idée, mais laquelle ? - Quel petit coquin tu fais ! Nous allons faire des lutins de Noël en poupées de chiffons. C’est pour ça que j’ai tout ramené ici, ce sera une surprise pour tes parents, leur cadeau de Noël. - Super, Papy, toi tu en as de belles idées. Je suis d’accord. Dommage que Lucille ne soit pas là elle aurait adoré. Nous en ferons une pour elle aussi, je sais déjà comment elle sera. - Oui mais avant tu dois te débarbouiller et manger quelque chose sinon j’en connais une qui ne sera pas contente. - Maman, oui c’est vrai. J’y vais tout de suite. Raphaël fila dans la cuisine où il prit son temps. Il était heureux, ses vacances étaient formidables, surtout après le mois passé. De son côté Papy Octave ne perdait pas de temps, il en profita pour prendre de grandes feuilles de papiers pour dessiner les patrons des poupées, des pieds chaussés de pantoufles pointues en passant par les jambes et des bras fins, un corps allongé, une petite tête ronde et bien entendu un chapeau pointu. La porte s’ouvrit laissant apparaître un Raphaël prêt à en découdre, ou plutôt à en coudre. - Mais papy, je ne sais pas coudre, je n’ai jamais appris. - Pas de souci, j’ai pris des cours auprès de la meilleure de toutes les couturières, mamy Milena. - Quoi, mamy, elle t’avait appris à coudre ? - Oh si tu savais tout ce qu’elle a pu m’apprendre pendant toute la vie que nous avons partagé. Je me souviens qu’elle aimait rire à chaque fois que je me piquais le doigt et elle a beaucoup ri je peux te l’assurer. Mais si tu veux bien nous reparlerons de tout cela plus tard, d’accord ? Raphaël compris qu’il ne fallait pas trop insister, sur le visage de son grand-père se lisait un peu de nostalgie. - C’est bon Papy, je suis à tes ordres, répliqua-t-il en se mettant au garde à vous. - Très bien, mon jeune apprenti, j’ai déjà fait les patrons, regarde, nous allons les retracer sur les chutes de tissus, mais pense à laisser une marge autour pour les coutures, tu verras c’est facile. Après, nous les coudrons puis les remplirons de vieux tissus pour leur donner leur forme finale. En quelques heures de patience et de nombreuses piqûres d’aiguilles trois jolies poupées de chiffons venaient d’être fabriquées dans la petite chambre de Raphaël, transformée pour l’occasion en atelier de Noël. Bien entendu, par précaution ils avaient fermé la porte à clé. Quand tout fut terminé, Raphaël se leva et commença à chercher dans sa malle à jouets. - Je crois que nous avons fini, elles sont superbes comme ça Raphaël, dit Papy Octave. Que cherches-tu encore ? - Une dernière chose, c’est pour le lutin que je vais offrir à Lucille. Je veux absolument y ajouter un petit quelque chose mais, zut je ne trouve pas… Puis de rage il souleva la malle et la secoua : « cling, cling ! » - Ah voilà j’ai trouvé, il est là, j’en suis sûr. Il plongea le bras au fond de la malle et le ressortit tenant fièrement un petit grelot doré. Avec cette touche finale le lutin destiné à Lucille ressemblait trait pour trait à celui avec lequel il s’était pris la tête à la taverne de Madame Margrit. Ah Lucille, il aimait tellement être avec elle et ça tombait bien son amie l’avait invité à venir chez elle le lendemain pour faire du pain d’épice. C’est donc tout heureux qu’il se coucha et il lui fallut quelques minutes pour se rendre compte qu’il était en train d’oublier le livre. Vite, il avait tant de chose à raconter à Maître Chritil. Il feuilleta jusqu’à ce qu’il arrive à la dernière page disponible, il la tourna d’un geste sur et tomba sur le dessin d’un bonhomme en pain d’épice effrayé...