Vendredi 16 décembre

Vendredi 16 décembre

Raphaël et Le bon chemin

Un conte écrit et illustré par Stéphane Hamard
En quelques secondes Raphaël était passé de son lit à un douillet pouf de mousse placé juste devant
la cheminée de la maison de Maître Chritil. Il n’arrivait toujours pas à le croire, encore une fois ils
étaient réunis comme si cela était tout à fait normal.

- Bienvenue dans mon humble demeure, petit ami.
Au ton employé par l’hôte de Raphaël aucun doute sur le plaisir qu’il avait à le recevoir.
- Bonsoir Maître Chritil, je suis enchanté de vous retrouver en ces lieux, répondit le garçon encore
tout troublé. Mais comment faites-vous cela ?
- Mais moi je ne fais rien, je te l’ai déjà dit Raphaël. Le seul responsable c’est toi. Toi qui chaque
soir ouvres ce livre et me fais vivre. Et je t’en remercie, mais comment te sens-tu ce soir ?

- Justement je voulais vous en parler. Depuis la nuit dernière je suis comme libéré, je n’ai plus cette
grosse boule au ventre qui m’empêchait de vivre. Je crois bien que vous aviez raison sur toute la
ligne.
- Heureux de te l’entendre dire. Mais, pourrais-je savoir comment tes parents prennent la chose ?
- Euh ben je ne leur ai encore rien dit, ils vont encore me couvrir de réprimandes c’est certain.
- Mon enfant, si tu n’essaies pas tu ne sauras pas !
- Oui mais bon pour l’instant ce n’est pas bien grave.
- Comment ça pas grave ! Tout est important dans la vie jeune homme. Et rappelle-toi que tu as des
comptes à rendre à la cour !
- Ah ce n’était pas un rêve alors ?
- Bien sûr que non ! Le Blench ne cessait de battre l’air de ses bras brindilles. Et puis si tu ne dis
rien il y a peu de chance qu’ils interviennent auprès du Père Noël en ta faveur, tu ne crois pas ?
- Peut-être oui, mais ce n’est pas trop grave. J’ai l’impression d’avoir déjà reçu un cadeau avec tous
les conseils que vous m’avez donné.
- Je ne t’ai fait aucun cadeau, saches le ! J’ai juste tenté de t’aiguiller sur le bon chemin car telle est
mon rôle. Et cela faisait bien longtemps que ça ne m’était pas arrivé.

- Comment ça bien longtemps ? À qui aviez-vous déjà montré le bon chemin.
- Tu es bien curieux d’un coup. Tout ce que je peux te dire c’est que j’ai guidé bon nombre d’âmes
égarées et je m’en suis toujours bien sorti. J’en ferai de même avec toi. Alors, es-tu prêt à me faire
une promesse ?
Raphaël se redressa instinctivement puis regarda le Blench.
- Que voulez-vous que je promette ?
- Promets-moi de parler avec tes parents. Je suis certain qu’ils en seront heureux.
- Hum j’ai des doutes, mais bon si vous me le demandez alors d’accord je vous le promets.
- Attention, une promesse n’est pas une chose à faire par-dessus la jambe, je vais me tenir informé
et je saurais.
- D’accord croix de bois croix de fer si je mens je vais en enfer ! S’écria Raphaël se souvenant
d’une réplique dans un dessin animé.
- Oh malheureux, ne dis jamais des choses comme ça ! Et si tu n’y arrivais pas…
- Je ferais ce qu’il faut promis. Et Maître Chritil, est-ce que l’on pourra retourner dans ce joli village
de Noël que nous avons vu l’autre nuit ?
- Mais qu’en sais-je moi ! Nous verrons bien. Mais pour l’instant va vite te coucher, demain tu as
encore une dernière journée d’école si je ne m’abuse.

Le Blench s’approcha de la cheminée et à l’aide d’une grande plume grise il en raviva le feu au
point que de l’âtre sorti une épaisse fumée.
- Oh il faudra peut-être que je la fasse ramoner « Pops … »

Quand il rouvrit les yeux, Raphaël était couché dans son lit et déjà la lumière du jour filtrait à
travers les volets. Combien de temps avait-il dormi, impossible à dire. Mais il était grand temps de
se lever car il avait plusieurs choses à faire avant de partir à l’école. Il avait tellement à faire qu’il
faillit partir en retard mais heureusement Papy Octave veillait au grain et quand le temps fut venu il
attrapa les cadeaux dans ses bras pour aider Raphaël à les transporter.

En ce dernier vendredi scolaire de l’année les cinq amis avaient rendez-vous à l’entrée de l’école
pour une action bien particulière qu’ils avaient mise en place deux ans auparavant. Raphaël arriva
devançant le pauvre Papy Octave qui cheminait tant bien que mal dans la neige, les bras chargés des
cadeaux que son petit-fils destinait à ses amis. Et il faut dire que Raphaël n’avait pas fait dans la
demi-mesure.
- Coucou tout le monde, j’ai vos cadeaux et je crois que vous allez adorer !
- Waouh c’est quoi tout ça ? Demanda Martin avec des yeux aussi énormes que les paquets que le
grand-père venait de poser au sol.
- Bon les enfants je vous laisse à vos affaires, Raphaël à ce soir.
- Oui Papy ne t’inquiète pas. Bon, tenez-vous autres j’ai mis vos prénoms vous ne pouvez pas vous
tromper.
- Mais tu es fou Raph, on avait dit des petits cadeaux, tu m’offres au moins six livres de contes,
s’exclama Louise toute heureuse.
- Ce n’est rien, ça me fait plaisir et c’est ça le principal. Tiens Martin pour toi c’est mon arbalète
favorite, je sais que tu la regardes toujours avec envie. Et pour Lucien, voyons, ah oui c’est ça la
maquette du vaisseau Star Wars que je n’ai pas eu le temps de construire, je sais que tu sauras en
faire un meilleur usage que moi. Enfin pour toi Lucille j’ai longtemps hésité mais je crois que ce
gros livre sur les étoiles te fera plaisir.

En un clin d’œil, Raphaël devenait le héros de la matinée. Les autres n’étaient pas de reste, tous
avaient rapporté de petits cadeaux et la distribution se poursuivit. Raphaël était heureux de ce
moment et appréciait les cadeaux qui lui étaient faits mais celui qui fit lui fit le plus plaisir ne
pouvait être que celui que lui offrit Lucille. Et là il ne pouvait pas s’y attendre.
- Eh bien moi Raphaël, j’ai pour toi un cadeau un peu spécial auquel tu ne dois certainement pas
penser. J’espère qu’il te fera plaisir.
- Vite dis-moi ce que c’est je n’en peux plus d’attendre.
- Bon d’accord, tu sais que Martin, Lucien et Louise nous quittent pour les fêtes mais tous les deux
nous serons là.
- Oui et alors ?
- Alors je t’annonce que nous allons passer Noël ensemble ! Tes parents sont passés nous inviter
hier en fin de journée.
Raphaël faillit tomber à la renverse, un Noël avec Lucille, en voilà un vrai cadeau !

Mais déjà il fallait rejoindre Mme Leroy dans la classe pour cette dernière journée d’école. Une
journée qui passa en un éclair avec tout ce qu’il y avait à faire : Ranger la classe, préparer les sacs
avec les guirlandes et autres décorations qu’ils avaient préparées pour les fêtes. Bien entendu
personne n’échappa à la bataille de boules de neige pas même l’enseignante qui finit même sous
une épaisse couche duveteuse et blanche.
 
Il était si excité que dés qu’il arriva à la maison il ne put s’empêcher de courir voir sa mère dans le
salon. 
- Merci maman, c’est trop chouette ! J’en reviens pas que vous ayez invité Lucille pour le réveillon.
- Enfin pas juste Lucille, nous avons invité ses parents également. Mais comme c’est dommage
pour celui qui devra rester dans sa chambre.
- Pardon maman, je crois en Noël je te le jure, j’ai changé c’est promis !
Raphaël eut du mal à supporter le silence qui suivit ses paroles. Mais Lisa ne voulait pas être dupée
et elle attendait plus de son fils.
- Très bien, je t’entends mais, il va falloir que, d’ici le 24 décembre, tu me prouves ce que tu me
promets.
- Mais que dois-je faire ? Demanda-t-il avec anxiété.
- Je ne sais pas, à toi de trouver, tu es en vacances maintenant tu va avoir le temps non ?

Un premier pas vers Noël venait d’être franchit mais selon toute évidence il restait encore du
chemin à parcourir. Dans sa petite tête son cerveau commençait à chauffer fortement, comment
prouver à ses parents qu’il avait vraiment changé et qu’il ne faisait pas cela juste pour être avec
Lucille ? De toute évidence il allait avoir besoin des conseils avisés de Maître Chritil.
 
C’est ainsi que le soir venu Raphaël prétexta un coup de fatigue pour ne pas faire durer sa première
soirée de vacancier et se précipiter dans sa chambre. Après avoir bien fermé la porte il rapprocha la
table de chevet le plus possible de son lit, et alluma la lampe fusée. La lumière était agréable et
douce. Il prit le vieux livre, passa la main sur la douce couverture et se cala bien au fond du lit,
contre le mur. Cette fois ci il ne prit pas le temps de feuilleter toutes les pages déjà libérées et fila
directement à la suivante. Il avait hâte de retrouver Maître Chritil pour lui demander ce qu’il devait
faire pour que ses parents sache qu’il avait bien changé.
 
- Aie ! Cria le garçon en attrapant le bas de la page pour la tourner.
En regardant son index il se rendit compte qu’il s’était piqué à quelque chose. Il repris le coin de
page plus délicatement et souleva le feuillet. Il comprit aussitôt la cause de la piqûre car un gros
buisson de houx bien vert avec de belles billes d’un rouge écarlate semblait s’étendre sur le papier. 
Plus il découvrait le buisson de houx plus il avait l’impression que ce dernier s’étendait au point de
sortir du livre et de se diriger vers lui. Dans un mouvement instinctif de recul il sentit le mur se
dérober et bascula dans le vide...