Mercredi 14 décembre

Mercredi 14 décembre

Raphaël et le Bon chemin

Un conte écrit et illustré par Stéphane Hamard
En une flammèche de bougie Raphaël se retrouva embarqué dans un vol gracieux au milieu de mille
bougies. Tout autour de lui le monde tournait et, bien au centre, trônait une couronne de petites
flammes posée délicatement sur la tête d’une très jolie silhouette. Une jeune fille qui lui rappelait
fortement sa Lucille. Alors qu’il ne cessait de tournoyer au-dessus, son cœur ne faisait que
tambouriner fortement dans sa poitrine. Impossible de déterminer combien de temps dura ce
moment de grâce mais, peu à peu son vol ralenti et l’entraîna de nouveau vers l’extérieur. Et un peu
déçu il se posa en toute légèreté dans un coin sombre, comme une pièce sans lumière. Enfin,
presque sans lumière car à bien y regarder là, un peu plus loin, dans un éclat orangé, ondulaient des
flammes généreuses diffusant une agréable chaleur réconfortante. Raphaël s’en approcha
doucement sans faire de bruit, il ne savait sur quoi il allait tomber.

- Vas-y, approche Raphaël, comment vas-tu aujourd’hui ? Reconnaissable entre mille la voix de
Maître Chritil lui procura un plaisir immense.
- Bonsoir à vous Maître Chritil, comme je suis heureux de vous retrouver.
- Ah bon, et que me valent ce plaisir et cette expression de béatitude ?
- Mais c’est que je souhaitai fortement vous rencontrer ce soir car j’aurai une requête à formuler.
- Et depuis quand est-ce toi qui fixes les règles ?

Raphaël s’arrêta, il prit le temps de réfléchir, il ne voulait pas faire de gaffe et fâcher celui qui
pourrait peut-être l’aider.
- Tout d’abord je dois vous dire que cette requête n’est pas pour moi.
- Tiens donc, explique-moi cela en détail je suis intéressé, dit Maître Chritil en se jetant dans son
fauteuil, car oui ils étaient tous les deux dans la maisonnette.
- Voilà, je vous ai déjà parlé de mon amie Lucille et je voudrais qu’elle soit heureuse, peut-être
pourriez-vous m’aider ? Depuis plusieurs semaines elle semble plus triste et parle d’un problème au
niveau de ses parents.
- Oui et alors ?
- Eh bien je me disais que peut-être on pourrait ensemble l’aider à se sentir mieux. Je ne sais pas si
ses parents ont vraiment des problèmes et de quelles sortes mais je ne supporte pas de la voir si
triste.
- Hum je vois… Mais dans ta requête, tu as certainement quelque chose à mettre en balance pour
m’inciter à t’aider, alors vas-y je t’écoute ?

À y regarder de plus près on aurait pu déceler dans l’attitude du Blench comme un sourire
complaisant sur une tête qui n’avait pas de bouche.
- Aujourd’hui je crois que j’ai compris certaines choses, mais je veux que cela reste un secret entre
nous. Je suis prêt à revenir sur ce que j’ai dit sur Noël si vous faites en sorte que Lucille aille mieux.
Maître Chritil s’attendait vraisemblablement à autre chose car d’un geste il stoppa Raphaël et prit
l’attitude d’un penseur.
- C’est un peu particulier tout ça. Mais là, en cet instant, es-tu prêt toi Raphaël à jurer que la magie
de Noël existe vraiment.

Les bras du garçon tombèrent d’un coup, voilà qu’une fois encore on tentait de lui arracher une
promesse, un changement d’avis, sans qu’il le veuille vraiment.
- Pourquoi vous êtes tous comme ça ? Lança-t-il à Maître Chritil.
- J’en déduis que le moment n’est pas encore venu même si tu chemines dorénavant sur le bon
chemin, ce n’est pas grave je peux encore attendre. Maintenant file te coucher et demain couvre-toi
bien.

« Flop ! » la cheminée venait de s’éteindre d’un coup laissant échapper un nuage de fumée et sans
comprendre comment Raphaël se retrouva sous sa couette où il ne tarda pas à s’enfoncer dans un
sommeil rempli de petites Lucille tourbillonnantes.

Au petit matin il eut du mal à sortir de son lit tant une forte différence de température s’était
immiscée dans la chambre et à vrai dire dans toute la maison, et à raison, car en regardant par la
fenêtre Raphaël remarqua immédiatement la blancheur du paysage. Il se leva d’un bond et couru
dans la maison en criant « Super il a neigé ! »
- Oui tu as raison alors aujourd’hui tu te couvres bien, lui dit Lisa sur un ton qui ne lassait place à
aucun commentaire.
- Oui maman, c’est cool, nous allons pouvoir faire des batailles de boules de neige à l’école.
- Et aussi des bonshommes de neige, rajouta Papy Octave qui venait lui aussi de se lever.

Ce matin-là c’est Lisa qui conduisit Raphaël jusque devant le portail de l’école en voiture, hors de
question de laisser Papy Octave déambuler dans la neige de si bon matin.
Dès qu’il descendit de voiture, Raphaël se précipita vers ses amis qui l’attendaient et l’accueillirent
avec une rafale de boules de neige. Loin de s’énerver, il s’arrêta et les regarda alors que la neige
dégoulinait sur sa tête puis éclata de rire. La journée était lancée.

Madame Leroy dut promettre à la classe une après-midi de détente dans la neige et pour les faire
patienter elle avait déjà tout prévu.
- Bonjour mes petits esquimaux ! Je vois que vous avez déjà bien profité mais pour
commencer penchons-nous sur les origines des bonshommes de neige. Et comme un engrenage bien
huilé Raphaël décida que son jour de blague était venu et il interpella la professeur :
- Oui Madame, il est originaire du Tibet et c’est Tintin qui l’a découvert l’abominable homme des
neiges.

Bien entendu il n’en fallait pas plus pour dissiper la classe et Lucien en alla d’une imitation du Yeti.
- Très drôle Raphaël mais non soyons un peu plus sérieux dans nos recherches, alors sachez que
selon certains il fut inventé en Angleterre, au cours du 16e siècle et qu’on en trouve trace dans les
écrits de l’écrivain anglais Shakespeare. Mais si on cherche un peu plus il se pourrait que cela
remonte encore plus loin, en effet il est également avancé que la première documentation d’un
bonhomme de neige daterait de 1380 dans un manuscrit enluminé, où il est noté également que la
construction des bonshommes de neige était une forme de divertissement populaire au Moyen Âge.
On peut donc supposer que cela est encore plus vieux et qui pourrait m’en avancer une raison ?
Étonnamment Lucien leva la main, et pourtant il n’était pas coutumier du fait.
- Oui Lucien nous t’écoutons.
- Je crois que c’est parce que tout le monde pouvait jouer avec la neige.
- Très belle déduction, oui la neige était gratuite et permettait de s’amuser et d’égayer les gens
même en pleine misère. Chacun pouvait ainsi exprimer ses idées. Mais selon vous comment fait-on
un bonhomme de neige ?
D’un coup toutes les mains se levèrent à l’unisson, mais c’était trop facile et Madame Leroy avait
plus d’un tour dans sa sacoche.
- Très bien ! Je vois que vous êtes pleins d’idées. Prenez vos cahiers et vos crayons et faites-moi une
liste, nous les comparerons après et nous aurons ainsi un inventaire complet.

Les enfants finirent par se plier à l’exercice, et, en fin de matinée, tout y était, des quantités de
neige, des grosseurs des boules jusqu’au moindre effet vestimentaire et dans ce cadre il faut dire
que les imaginations de ses élèves étaient pleines de surprises car avec tout ce qui avait été avancé il
aurait été possible de récréer la majorité des métiers et des héros de chacune et chacun.

Après la cantine, les enfants se retrouvèrent dans l’arrière-cour de l’école qui avait été préservée de
tout passage pour ne pas gâcher la neige trop rapidement et là juste à l’entrée une grande malle avait
été déposée et attendait grande ouverte.
- Les enfants, appela Madame Leroy, regroupez-vous par quatre ou cinq et désigné l’un d’entre
vous pour venir chercher ce dont vous avez besoin dans la malle.
L’exercice était bien rodé et permettait de les responsabiliser mais aussi d’éviter une cohue.
Bien entendu le petit groupe de Raphaël se constitua en un clin d’œil, car comme d’habitude ils ne
se quittaient pas. Et Louise eut l’honneur d’être désignée. Elle alla chercher dans la malle pendant
que les autres commençaient à rouler la neige en boule. Avec les apparats qu’elle rapporta, prit
naissance un drôle de personnage tout blanc, ventripotent, aussi haut qu’eux portant une écharpe
rouge et verte, un chapeau haut de forme vert, de petits boutons noirs servirent à dessiner son
sourire et à souligner son habit sur le ventre alors que les bras, longs tubes noirs pointaient vers le
sol. Ils étaient si contents de leur création qu’ils lui trouvèrent un nom « RaMaLuLoLu ».
Madame Leroy avait vraiment tout prévu dans le moindre détail car une fois toutes les sculptures
faites elle passa devant chacune d’entre elles pour les immortaliser en les photographiant entourées
de leurs créateurs. Mais déjà sonnait la fin de l’école pour ce mercredi.

Raphaël était heureux et il rentra en compagnie de son grand-père et pu même accompagner Lucille
car ses parents avaient demandé à Papy Octave de la conduire jusqu’à leur domicile. Comme quoi
la vie peut être belle et agréable quelques fois. Et bien entendu le retour se déroula dans une belle
cavalcade pour éviter les tirs de boules de neige.

C’est usé par la fatigue d’une journée en plein air à rire et crier de joie que Raphaël retrouva la
quiétude de sa chambre en soirée. Après avoir épousseté la petite maison pour la rendre le plus
propre possible il finit par se glisser dans le lit non sans prendre le gros livre avec lui.
Qu’allait-il donc bien pouvoir découvrir de nouveau ? Il avait pris l’habitude de ces aventures
nocturnes et ne semblait plus en avoir peur, au contraire il les attendait avec une certaine
impatience. Et oui, une fois encore, il allait tomber sur quelque chose de nouveau. Là, sur la page
qu’il venait de tourner, était dessiné un bonhomme de neige en tout point ressemblant à celui qu’il
avait fait avec ses amis l’après-midi mais avec une drôle de différence, du ventre sortait une tête, et
pas n’importe laquelle, celle de Mister Jack Skellington…